Recul de l'application de la sanction nullité

Dans tous les domaines du droit, se rencontrent des décisions de justice refusant d’annuler un acte juridique, lorsque la loi n’a pas prévu formellement l’annulation de l’acte.

Le Conseil d’Etat a formulé un principe directeur définissant avec minutie l’office du juge en la matière, à l’occasion de l’appréciation de la validité d’une clause contractuelle : il appartient au juge, a-t-il jugé, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation, mais, dans ce second cas, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité, relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement. Cette action est ouverte aux parties au contrat pendant toute la durée d’exécution de celui-ci (CE sect. 1-7-2019 no 412243 : RJDA 1/20 no 16 ; sur l’inopposabilité de la prescription quinquennale, no 15701).

Plus sobrement, la Cour de cassation a adopté le même mouvement en refusant de prononcer la nullité d’un acte contraire à une disposition légale ou réglementaire qui n’a pas prévu que sa méconnaissance serait sanctionner par la nullité. Elle a refusé, notamment, d’annuler un acte accompli après l’expiration du délai fixé par la loi (Casse 1e civ. 20-11-2019 n° 18-23702,F-PBI : délai de l’art.815-5-1 C. civ. ; Cass. 3e civ. 3-6-2021 n° 20-13269 : défaut de mise en concurrence du syndic).

Barthélemy MERCADAL
Agrégé des Facultés de droit
Professeur émérite du Conservatoire National des Arts et Métiers
Ancien Secrétaire général de l’IDEF

31 octobre 2021