AUS
Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés 

Les derniers abstracts postés sont en orange
Pour télécharger la décision, il faut cliquer sur l'icône PDF

Hypothèques

FORMALITÉS D’INSCRIPTION NÉCESSAIRES À L’OPÉRABILITÉ DE LA GARANTIE DES DROITS DE CRÉANCE ASSURÉS PAR L’HYPOTHÈQUE
(IDEF- OHADA-22-246)

Arrêt du 28 novembre 2019, N° 274/2019
Société Civile Immobilière dite « SCI LA BALANCE IMMOBILIERE »C/Société Bank Of Africa Côte d’Ivoire dite BOA-CI

Mentions devant figurées dans un jugement ; droit de subrogation ; formalités d’inscription d’hypothèque, hypothèque légale forcée, conventionnelle et judiciaire ; voie de garantie des droits

Application des articles suivants :
Article 136 AUS
Article 18 alinéa 2 AUS
Article 142 du Code de procédure civile, commerciale et administrative CI,
Article 11 de la convention hypothécaire

1. Des mentions obligatoires devant contenir tout jugement
L’apposition du nom du représentant du Ministère public n’est exigible que dans la mesure où celui-ci ait réellement été présent à l’audience et la mention « le cas échéant du nom du représentant du Ministère public » n’est expressément pas assortie de la nullité du jugement comme sanction dont l’appréciation relève de la conviction souveraine des juridictions. Il y a donc lieu de déclarer le moyen invoqué mal fondé et le rejeter.

2. Impossibilité de réalisation du droit de subrogation pour défaut d’accomplissement de formalité requise par le bénéficiaire
Aux termes des dispositions de la convention hypothécaire liant les parties, le bénéficiaire du crédit et de la caution qui ont failli à l’accomplissement des formalités nécessaires à la création des titres fonciers dans les délais, fait perdre à la caution le bénéfice de se prévaloir du droit de subrogation. Ainsi, ne pouvant se prévaloir de sa propre défaillance, la SCI LA BALANCE IMMOBILIERE ne peut s’exonérer de toute obligation d’autant plus qu’elle n’a pas spécifié la faute de la BOA-CI ayant pu rendre impossible son droit de subrogation.

3. Justification du recours à l’hypothèque légale forcée suite au défaut d’inscription de l’hypothèque conventionnelle
Ne peut être constitutif de violation, les juges qui, face à la défaillance de la caution et du débiteur principal dans l’accomplissement des formalités d’inscription de l’hypothèque (conventionnelle) conformément au contrat, ont consenti au créancier (la BOA-CI) l’hypothèque légale forcée en lui accordant l’inscription provisoire d’hypothèque sur le bien immobilier appartenant à la SCI La Balance, caution et un de ses débiteurs.

4. Justification de l’usus d’une autre voie de garantie des droits de créances suite à l’inopérabilité de la garantie conventionnellement consentie
N’est pas constitutif de défaut de base légale, d’insuffisance encore moins de contrariété le fait pour la cour d’appel de valider le recours du créancier à une autre voie susceptible de garantir ses droits de créance face au débiteur défaillant suite au fait avéré que la garantie conventionnellement concédée n’était plus à même d’opérer ; de sorte que la cour, dans le but de mettre en relief l’obligation de la caution de supporter la dette du débiteur défaillant, a dû rappeler la genèse des relations contractuelles en cause.

Loi n° 72-833 du 21 décembre 1972 portant Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative de la Côte d’Ivoire, telle que modifiée par les lois n° 78-663 du 05 août 1978, n° 93-670 du 09 août 1993 et n° 97-517 du 04 septembre 1997.
Article 142 (NOUVEAU) (LOI N° 97-517 DU 04/09/1997)
Tout jugement doit contenir :
• les noms, prénoms, qualité, profession et domicile de chacune des parties, de leurs mandataire-, et de leurs conseils
• l’objet du litige
• la mention, le cas échéant, de l’ordonnance de clôture
• les motifs, en fait et en droit, précédés d’un résumé des prétentions des parties
• le dispositif
• la date à laquelle il a été rendu
• la liquidation des dépens, si elle est alors possible
• les noms des magistrats qui l’ont rendu et du greffier qui les assistait
• mention qu’il a été rendu en audience publique ou en Chambre du conseil et que le ministère publie a été entendu le cas échéant en ses conclusions
• le cas échéant, le nom du représentant du ministère public
La minute du jugement signée par le président d’audience qui l’a rendu et le greffier est déposée au greffe.

Abstract : Diambou Boubacar, Enseignant chercheur (Mali)

décision

VALIDITÉ D’UNE HYPOTHÈQUE FORCÉE JUDICIAIRE POUR DÉFAUT DE L’ACCOMPLISSEMENT PAR LA CAUTION DES FORMALITÉS NÉCESSAIRES À LA CRÉATION DU TITRE FONCIER
(IDEF- OHADA-22- 246)

Arrêt N° 274/2019 du 28 novembre 2019

SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE dite « SCI LA BALANCE IMMOBILIERE » c/ SOCIETE BANK OF AFRICA COTE D’IVOIRE dite BOA – CI (SGS SA)

SURETE : Hypothèque forcée, caution hypothécaire, défaut formalités titre foncier

Application des articles suivants :
Article 142 du code de procédure civile, commerciale et administrative de la Cote d’Ivoire*
Article 18 alinéa 2 de l’Acte Uniforme relatif aux Suretés (ancien) et nouvel article 29 alinéa 2
Article 136 de l’Acte Uniforme relatif aux Suretés (ancien) et nouvel article 213

Sur la violation des formes prescrite à l’article 142 du code de procédure civile commerciale et administrative de la Cote d’Ivoire
Est mal fondé le moyen par lequel une partie invoque la nullité d’une décision au motif que le représentant du Ministère public ayant conclu en la cause n’y figure pas, dès lors que l’article 142 susvisé prescrivant des mentions devant figurer sur tout jugement, dont celle « le cas échéant du nom du représentant du Ministère public ». Cette dernière mention n’est exigée que dans la mesure où le représentant du Ministère public est réellement présent à l’audience, contrairement en l’espèce.
De surcroit, le texte ci-dessus n’exige pas expressément le prononcé de la nullité du jugement laissant au juge le soin d’apprécier si la nullité doit être prononcée.

Sur la violation de l’article 18 alinéa 2 de l’Acte Uniforme relatif aux Sûretés
Ne peut se prévaloir de sa propre défaillance la caution tenue de l’obligation d’accomplir les formalités nécessaires à la création des conditions requises par la convention des parties quant à la constitution de la sûreté.
En outre, à défaut de spécifier la faute de la banque créancière ayant contribué à rendre impossible son droit de subrogation, ladite caution ne peut imputer cette perte au défaut d’annexion par le créancier à la convention de cautionnement de l’acte constitutif de l’obligation principal prévu par l’article 18 alinéa 2 de l’Acte Uniforme relatif aux sûretés, qui n’est requis que si la caution le demande.

Sur la violation de l’article 136 de l’Acte Uniforme sur les Sûretés
C’est à bon droit que les juges du Tribunal et de la Cour d’appel, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation des faits, ont consenti au créancier l’inscription d’une hypothèque forcée prévue par le texte susvisé, dès lors qu’ils ont relevé que cette inscription palliait la défaillance, qui leur était imputable, de la condition à laquelle l’hypothèque conventionnelle, dont elles se sont réclamées, était subordonnée.

Sur le défaut, l’insuffisance ou la contrariété des motifs
Il n’y a ni défaut, ni insuffisance, ni contrariété des motifs, la cour d’appel ayant mis en relief, comme il a été analysé dans le moyen précédent, les raisons qui ont justifié sa décision d’accorder l’inscription d’une hypothèque forcée.

Abstract : Stylain Goma, Conseiller Juridique Mame Adama Gueye & Partners

* Article 142 du code de procédure civile, commerciale et administrative de la Cote d’Ivoire
Tout jugement doit contenir :
1) Les noms, prénoms, qualité, profession et domicile de chacune des parties, de leurs mandataires et de leurs conseils
2) L’objet du litige
3) La mention, le cas échéant, de l’ordonnance de clôture
4) Les motifs, en fait et en droit, précédés d’un résumé des prétentions des parties
5) Le dispositif
6) La date à laquelle il a été rendu
7) La liquidation des dépens, si elle est alors possible
8) Les noms des magistrats qui l’ont rendu et du greffier qui les assistait
9) Mention qu’il a été rendu en audience publique ou en chambre du conseil et que le ministère public a été entendu le cas échéant en ses conclusions
10) Le cas échéant, le nom du représentant du ministère public
La minute du jugement signée par le Président d’audience qui l’a rendu et le greffier est déposée au greffe ;

décision

LA VALIDITE DE LA CONVENTION D’HYPOTHEQUE
(IDEF- OHADA-23- 272)


CCJA, arrêt N° 025/2018 du 08 février 2018
COULOUD YAO Hyacinthe C/ Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Côte d’Ivoire dite BICICI


DEFAUT OU DE L’INSUFFISANCE DES MOTIFS : le fait pour le juge de ne pas répondre à des exceptions et moyens soulevés par l’une des parties constitue un défaut ou une insuffisance de motifs entrainant un cas d’ouverture de cassation.

LA VALIDITE DE LA CONVENTION D’HYPOTHEQUE : La  convention d’hypothèque dont la réalisation sans respect des dispositions des articles 4 et 9 de l’Acte uniforme non révisé portant sur l’organisation des sûretés est valable car ces dispositions sont inopérants dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, sureté réelle. Est aussi valable la constitution de l’hypothèque de son droit réel sur un bien immeuble en cours d’immatriculation.


Application des articles suivants
Article  13 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique
Article  14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique
Article 28 tiret 4 bis (nouveau) du Règlement de procédure de la CCJA
Article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés
Article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés
Article 127 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés
Article 119 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés


Défaut ou insuffisance des motifs : cas d’ouverture de cassation
Constitue un défaut ou une insuffisance des motifs au sens de l’article 28 tiret 4 bis (nouveau) du Règlement de procédure de la CCJA, le fait pour le juge de ne pas répondre à des  exceptions et moyens soulevés par l’une des parties. Tel est le cas de Monsieur COULOUD YAO Hyacinthe qui a soulevé des exceptions et moyens tendant à l’irrecevabilité de la fin de non-recevoir soulevée par la BICICI et la nullité de l’hypothèque litigieuse qui a été donnée en violation de l’ancien article 4 et de l’article 9 in fine de l’Acte uniforme sur les sûretés. Cependant nulle part dans l’arrêt de la Cour d’Appel on ne retrouve de réponse à ces  exception et moyens et cela constitue un cas d’ouverture de cassation.

Le juge n’ayant pas statué sur les demandes du requérant, cette omission constitue un cas d’ouverture. Il y a donc lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les deux autres moyens du pourvoi, de casser l’arrêt pour défaut de motifs et d’évoquer.


Validité de la convention d’hypothèque 

N’est pas nulle, la  convention d’hypothèque dont la réalisation est entreprise sans le respect de la formalité exigée par l’article 4 d’une part et la dette querellée était née avant la signature de la convention portant caution hypothécaire d’autre part puisque les dispositions des articles 4 et 9 de l’Acte uniforme non révisé portant sur l’organisation des sûretés traitant la question de la traite de  la  formation du   cautionnement,  sûreté  personnelle, ne peuvent s’appliquer dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, sureté réelle.

Est aussi valable, la convention d’hypothèque sur un bien immeuble non encore immatriculé. En effet, la  doctrine  reconnait  quasi  unanimement  que « l’hypothèque est soumise aux modalités qui affectent le droit de propriété de sorte  qu’elle  est  conditionnelle,  si  la  propriété  est  conditionnelle. »,  et  que  la jurisprudence de la CCJA admet aussi que la procédure de saisie immobilière peut  être  poursuivie  jusqu’à  l’adjudication  qui,  elle,  doit  être  différée  jusqu’à l’obtention du titre foncier ; tel est le cas Monsieur COULOUD YAO Hyacinthe qui a consenti à la BICICI une caution hypothécaire sur  son immeuble en garantie ayant acquis cet immeuble en pleine  propriété  de  la  succession  de    son  père  et sous la condition, consentie et acceptée des parties que le  constituant opère la constatation de ses droits réels immobiliers au livre foncier  d’Abidjan. 


Abstract : Idriss MAHAMAT SOUMAÏNE, Docteur en Droit Privé, Enseignant-Chercheur et Avocat stagiaire (Tchad)

Cautionnement

décision

La garantie autonome ne se présume pas       

IDEF-OHADA-23-355

 

CCJA, arrêt n° 221/2021, du 25 novembre 2021 de la troisième chambre 

BOA-BF C/ Monsieur IDDI ANGO Ibrahim

 

Sureté personnelle ; requalification à tort de cautionnement en garantie autonome

 

Application des articles suivants 

Article 4 AUS

Article 26 AUS

Article 41 AUS 

 

De la violation de l’article 4 AUS 

L’AUS ayant prévu au titre des sûretés personnelles le cautionnement et la garantie autonome, la cour d’appel, qui requalifie des actes de cautionnement constitués entre les parties de garanties sui generis, viole l’article 4 AUS. Dès lors, il échet de casser l’arrête et d’évoquer.

 

Sur l’évocation au fond 

La garantie autonome ne se présumant pas, elle doit être constatée par écrit tel que prévu par l’article 41 AUS. C’est en violation dudit article que le premier juge a requalifié en garantie autonome des garanties émises par la banque dénommées ‘’ caution d’avance de démarrage’’ et ‘’caution de bonne fin d’exécution’’. Dès lors, il convient d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable l’action de l’exception d’irrecevabilité du bénéficiaire des garanties, sur le fondement de l’article 26 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés en ce que l’action dirigée contre le garant n’est pas liée à l’appel du donneur d’ordre.  

 

Abstract : Taher ABDOU, Doctorant (Niger)

Janvier 2024

Références pour citer l'abstract

Décembre 2023, note d’abstract rédigée par Taher ABDOU, « la garantie autonome ne se présume pas », in IDEF - La jurisprudence OHADA (institut-idef.org) et Accueil - Jurisprudence-OHADA, IDEF-OHADA-23-355, CCJA, arrêt Numéro 221 2021, du 25 novembre 2021, troisième chambre, BOA-BF Contre Monsieur IDDI ANGO Ibrahim

CAUTIONNEMENT : POSSIBILITE D’ESTER EN JUSTICE CONTRE LA CAUTION ET LE DEBITEUR EN CAS DE DEFAILLANCE DE CE DERNIER
IDEF-OHADA-23-285

 

CCJA, Arrêt du 22 février 2018, N° 38/2018, Première chambre 

ACEP Cameroun S.A  c/ Ayant droit de feu TAMEKEN Jean Alvain

 

Application des articles suivants 

Article 13 AUS

Article 15 AUS

 

 

Une Cour d’Appel qui admet que la caution et le débiteur principal ne peuvent pas être poursuivis conjointement en cas de défaillance de ce denier, alors que cette défaillance a été portée à la connaissance de tous les acteurs concernés, a violé la loi et expose sa décision à la cassation.

 

Alors que la créance dont le recouvrement est poursuivi est issue d’un contrat de prêt non remboursé à échéance d’une part, les caractères de certitude, liquidité et d’exigibilité n’ayant pas été contestés d’autre part, la cour d’appel qui a confirmé le jugement ayant ordonné la rétractation de l’ordonnance d’injonction de payer a violé la loi. Par conséquent, elle expose son arrêt à la censure.

 

Les demandeurs en opposition n’ont pas établi la preuve de leur qualité d’ayants droit de la caution décédée. Dès lors, sur évocation, après cassation, il sied de déclarer cette opposition irrecevable pour défaut de qualité à agir et d’accéder à la demande de recouvrement du demandeur au pourvoir, en l’occurrence ACEP Cameroun SA.

 

Abstract : Me RABY MBAIADOUM NATADJINGARTI, Avocat au Barreau du Tchad

décision

décision

La décharge de la caution est subordonnée à la faute prouvée du créancier et consistant en un acte positif empêchant celle-ci à se subroger dans ses droits et garanties
(IDEF-OHADA-23-282)


CCJA, Première chambre, Arrêt N° 035/2018 du 22 février 2018

 ACEP Cameroun SA C/ CHE ZAMGANG Célestine


Décharge de la caution : Exigence de la preuve de la faute du créancier – exigence d’une faute consistant en un acte positif empêchant la caution de bénéficier de la subrogation


Application des articles suivants

Article 18 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997 (AUS)


Sur le moyen de cassation

Aux termes de l’article 18 alinéa 2 de l’AUS, la caution n’est déchargée que si la faute du créancier est prouvée et consiste en un acte positif de sa part ayant contribué à empêcher ladite caution à se subroger dans ses droits et garanties. En statuant comme ils l’ont fait pour décharger la caution de ses obligations sans rapporter une quelconque faute de la créancière, les juges d’appel ont, par mauvaise application, violé ledit article 18 alinéa 2 de l’AUS. Il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer.


Sur l’évocation

Il est constant que le débiteur principal n’a pas honoré ses engagements et ne conteste pas non plus la dette. Face à sa défaillance, la société requérante a initié en justice une procédure d’injonction de payer contre lui et sa caution qui avait été préalablement avertie du non-paiement de cette dette. La créance étant liquide, certaine et exigible et résultant d’un contrat de prêt, c’est à bon droit que la procédure d’injonction de payer a été engagée. Pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit à la cassation de l’arrêt attaqué, il y a lieu de dire mal fondée la demande d’opposition de la caution, d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de première instance et en conséquence de restituer à l’ordonnance d’injonction de payer son plein et entier effet. 

Abstract : André NGUEGHO, Docteur en Droit privé, Assistant à la FSJP de l’Université de Yaoundé II (Cameroun) 

Irrecevabilité

De l’exception d’irrecevabilité au doute sur l’existence d’une personne morale sur fond de contestation de la compétence du tribunal de commerce
(IDEF- OHADA-23-256)


CCJA, arrêt du 10 octobre 2019, N° 231/2019

Société Anonyme D’économie Mixte R. CATTIN & Cie dite S.A.E.M. R. CATTIN & Cie C/ M. ABDELKADER YOUSSOUF


Conditions de recevabilité de l’exception d’irrecevabilité ; application de la loi dans le temps ; compétence ratione materiae du tribunal de commerce ; nullité de l’exploit d’assignation ; preuves de l’existence d’une personne morale, de la restitution des loyers consignés au greffe, de la répétition de l’indu, de dommages-intérêts et moment de sa réclamation


Application des articles suivants

Article 2 et 10 du Traité OHADA

Article 23 à 28 du Règlement de procédure de la CCJA

Article 136, 210, 212, 213, 216 et 227 AUS


Condition de recevabilité de la violation de l’exception d’irrecevabilité alléguée

L’exception d’irrecevabilité invoquée pour défaut de versement au dossier de l’acte désignant le greffier audiencier en lieu et place du greffier en chef comme greffier intérimaire sans indication aucune du texte de loi ainsi violé est irrecevable ; d’autant plus qu’aucune disposition légale n’impose qu’un tel acte soit versé au dossier de la procédure. Il y a donc lieu de déclarer le moyen principal d’appel invoqué mal fondé et le rejeter.


Confirmation de la preuve de l’existence d’une personne morale par tout moyen

La délivrance de l’extrait du registre du commerce obtenu auprès du greffier en chef chargé du RCCM au tribunal de commerce, de même que le mandat délivré suivi d’un « ACTE DE RENONCE D’UNE PROCURATION » passé devant notaire sont promptes à prouver à suffisance l’existence juridique de la société. Il s’en suit que l’exception d’irrecevabilité invoquée sur le fondement de l’art. 28.5 du Règlement de procédure de la CCJA ne peut être accueillie.


Justification du principe d’application immédiate de la loi nouvelle aux situations nées après son entrée en vigueur

Expose sa décision (arrêt) à cassation, la cour d’appel qui, appelée à se prononcer sur les mentions de l’ordonnance portant inscription d’hypothèque le 23 juin 2016 provisoirement accordée sur le fondement de l’article 136 de l’AUS du 17 avril 1997, conclue faire « siennes les motivations du premier juge, relatives aux exceptions soulevées par cette société... ». Le jugement querellé confirmé alors que ledit AUS est abrogé par l’art. 227 de l’AUS du 15 décembre 2010, il échet de le casser et d’évoquer.


Confirmation de la compétence du tribunal de commerce à connaitre des litiges relatifs à l’inscription des sûretés

Conformément aux articles 2 et 10 du Traité OHADA, c’est à bon droit que le juge du Tribunal de commerce de Moundou s’est déclaré compétent pour apprécier la validité de la sûreté inscrite sur un immeuble appartenant à l’appelante puisque relevant de l’application d’un acte uniforme de l’OHADA.


Justification de l’invocation de la nullité de l’exploit d’assignation

Est injustifié la société qui se prévaut de la nullité de l’exploit d’assignation sans en apporter la preuve du défaut dans son contenu de mentions obligatoires légalement visés, encore moins en quoi le préjudice invoqué lui est causé.


Justification des dépenses et dommages-intérêts promptes à fonder une créance assortie de l’inscription d’une hypothèque

Le défaut dans le dossier de pièces justifiant les dépenses et dommages-intérêts demandés, établi l’inexistence de créance à l’encontre de la Société quand bien même non contesté que celle-ci, par une procuration en date du 28 septembre 2006, a donné mandat à ABDELKADER YOUSSOUF « A l’effet de : - la représenter et poursuivre la localisation et l’identification de tous les bâtiments appartenant à la Société S.A.E.M. R. CATTIN & Compagnie du Tchad et procéder à leur possession et mise en valeur ». Il s’ensuit que la validation de l’inscription hypothécaire contestée, mais accordée sur le fondement des dispositions de l’AUS du 17 avril 1997 viole celles des arts 227, 213, 216, 210 et 212 de l’AUS du 15 décembre 2010. Il y a donc lieu d’infirmer le jugement et d’ordonner la mainlevée de l’hypothèque.


Justification de la demande de restitution des loyers consignés au greffe

L’inexistence de pièces dans le dossier de la cause susceptible de prouver la consignation au greffe du tribunal de sommes d’argent à titre de loyers conduit à renvoyer le requérant à mieux se pourvoir de ce chef.


Preuve de la répétition de l’indu

La société n’apportant pas les justificatifs de sa demande d’un paiement sans cause à hauteur du montant réclamé dans ses rapports avec le débiteur présumé doit en être déboutée.


Du moment de la réclamation de dommages-intérêts dans une procédure
La partie qui ne formule sa demande de réclamation de dommages-intérêts pour la première fois qu’au moment de l’établissement de ses conclusions en appel et, de surcroit, sans en exposer les motifs ne peut prospérer. Il y a lieu de l’en débouter, la demande n’ayant pas fait l’objet de débats en première instance.

Abstract : Diambou Boubacar, Enseignant chercheur (Mali) 

décision

Nullité

Nullité de la lettre de garantie pour défaut de mention de la convention de base, de l’action ou le fait, cause de son émission 

IDEF- OHADA-23-308

 

CCJA, Troisième chambre, Arrêt N° 078/2018 du 29 mars 2018 

Bank Of Africa – Mali C/ CBAO Groupe Attijariwafa Bank et Sénégalaise de Commerce et de Services (SCS)

 

Formalisme de constitution de la lettre de garantie : Exigence de l’écrit – Défaut de mention de la convention de base, de l’action ou le fait, cause de son émission – mention d’ordre public sanctionnée par la nullité 

 

Application de l’article suivant 

Article 30 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés

 

Aux termes de l’article 30 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés, seul applicable en l’espèce du fait de la date de la lettre de garantie, les conventions de garantie « …doivent être constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité : (…) la convention de base, l’action ou le fait, cause de l’émission de la garantie… ». En retenant, pour valider la garantie souscrite par la requérante, que cette mention n’est pas d’ordre public, alors que la rédaction péremptoire sur la nullité ne laisse place à aucun doute sur le formalisme de la constitution de la lettre de garantie, la cour d’appel a méconnu les dispositions dudit article 30. Il échet pour la CCJA de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer.

Sur l’évocation
La lettre de garantie du 30 mars 2009, outre la confusion sur l’identité du bénéficiaire, ne mentionne pas « la convention de base, l’action ou le fait, cause de son émission ». Ainsi, pour les mêmes motifs que ceux développés lors de la cassation, tiré de la violation de l’article 30 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés, il y a lieu d’infirmer le jugement rendu, en ce qu’il a validé la garantie du paiement et, statuant à nouveau, de déclarer nulle ladite lettre de garantie. 

Abstract: Arnaud SILVEY, Cabinet SIRE OHADA (Togo)

Observations
Qu’il s’agisse de l’article 30 de l’AUS du 1997 ou de l’article 41 de l’AUS de 2010, est d’ordre public le formalisme relatif à la constitution de la « Lettre de garantie » devenue en 2010 « Garantie autonome ». Aussi, nonobstant l’adage juridique bien connu selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », la haute juridiction, dans sa rigueur juridique, accède -t-elle à juste titre, à la demande de la banque émettrice du texte en annulant la lettre de garantie.
La CCJA a rendu en 2020 une autre décision allant exactement dans le même sens. Dans cette affaire, la Cour a validé l’annulation d’un acte dénommé « garantie de remboursement de paiement » au motif que l’acte ne comportait pas la dénomination « garantie autonome » prévue par l’article 41 AUS. De plus, la garantie autonome ne se présumant pas, l’acte ne peut être considéré comme constatant une garantie autonome telle que définie par l’article 39 AUS. (CCJA, Arrêt N°159/2020 du 30 Avril 2020 dans l’affaire opposant SONIBANK SA à Bolloré Africa Logistique Niger SA et Entreprise Wazir SA.)
Au-delà de la portée juridique forte de cette tendance jurisprudentielle peu contestable, sur le plan économique, on peut néanmoins s’interroger sur le risque réputationnel (ou de notoriété) que courent les institutions émettrices de garantie qui trouveraient en cette jurisprudence, un moyen de se soustraire de leurs engagements en ne respectant pas le formalisme requis. Il reste à appeler à la vigilance de tout bénéficiaire en acceptant une garantie.   

Arlette BOCCOVI, Juriste de banque et d’affaires - Consultante

décision