Le 27 juin dernier, la Cour Suprême américaine a remis en cause la protection offerte dans le plan de réorganisation de la société Purdue Pharma à la famille Slacker qui détient et contrôle cette dernière. De manière plus générale, elle a jugé que le chapitre 11 du code des procédures collectives ne permet pas d’empêcher les poursuites contre des tiers non débiteurs sans l’accord des créanciers.
La société Purdue Pharma est impliquée dans la crise des opioïdes américaines. En effet, aux Etats-Unis, entre 1999 et 2019, plus de 247 000 personnes sont mortes d’une 'overdose liée aux opioïdes vendus sur ordonnance. La commercialisation de l'OxyContin, un antalgique opioïde, a rapporté plusieurs milliards de dollars à la société Purdue Pharma. En 2007, une filiale de cette dernière a plaidé coupable d’avoir trompé le public sur les risques de dépendances de ce médicament en assurant que l’Oxycontin était une alternative moins addictive et moins sujette à l'abus que d'autres médicaments contre la douleur.
Suite à ce plaidé-coupable, et prévoyant de nombreux procès contre leur société, les membres de la famille Sackler ont commencé à retirer progressivement des fonds. En 10 ans, environ 11 milliards de dollars, soit environ 75 % du total des actifs de la société ont été soustraits. Suite à ces différents retraits, qui ont mis la société dans une situation économique délicate, elle a demandé la protection du chapitre 11 du code des procédures collectives.
Lors de la procédure du chapitre 11, la famille Sackler a proposé de restituer 4,3 milliards de dollars en échange d’une libération contre toutes les demandes passées et futures, ce qui a été approuvé par la Cour l’appel fédérale du deuxième circuit. Dans son arrêt du 27 juin, la Cour Suprême annule l’arrêt. Elle considère en effet que le code des procédures collectives ne peut décharger que le débiteur, c’est-à-dire l’entreprise qui a demandé la protection du chapitre 11. Or, en l’espèce, le débiteur est exclusivement la société Purdue Pharma, le plan de réorganisation ne pouvait donc pas offrir de protection à ses actionnaires. Pour approuver le plan, la Cour d’appel s’est fondée sur le dernier alinéa de l’article 1123(b) du code des procédures collectives qui permet d’inclure toutes les dispositions appropriées qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent chapitre. Elle avait donc considéré que tout ce qui n’était pas expressément interdit était autorisé. En se fondant sur son arrêt Epic Systems Corp. v. Lewis rendu en 2018, la Cour Suprême américaine explique qu’une disposition générique doit être lue dans son contexte. En l’espèce, l’article 1123(b) du code des procédures collectives régit exclusivement les droits et les responsabilités du débiteur qui a demandé la protection du chapitre 11. En conséquence, cet article ne permet pas de décharger un tiers sans obtenir le consentement de tous ses créanciers.
La Cour Suprême américaine a refusé de prendre en compte les arguments des promoteurs du plan qui expliquait que sans ce dernier, la famille Sackler ne retournerait aucun des fonds retirés de la société, c’est-à-dire que les victimes ne pourraient pas être indemnisées. La Cour Suprême a expliqué qu’elle n’est pas la bonne audience pour de tels arguments. Elle a ajouté que son rôle est d’appliquer et d’interpréter la loi et que la législation actuelle ne permet pas de décharger la famille Slackler.
Janvier 2025