Dans une décision du 16 mai 2024, la Cour suprême américaine a confirmé la constitutionnalité du financement de l’agence fédérale de protection des consommateurs du secteur financier (Consumer Financial Protection Bureau (CFPB)). Cette agence a été créée par une loi de 2010 (Dodd-Frank Act (2010, 12 U.S.C. §5497) en réponse à la crise financière de 2008. Elle a pour mission de protéger les consommateurs contre les pratiques abusives du secteur financier.
Contrairement à la plupart des agences fédérales américaines, son financement n’est pas soumis à une allocation budgétaire annuelle votée par le Congrès. En effet, la loi américaine (12 U.S.C. §5497(a)(1)) autorise l’agence à prélever sur le système de la Réserve fédérale un montant que son directeur juge "raisonnablement nécessaire pour mener à bien" ses missions. La loi a toutefois fixé un plafond annuel qui ne peut pas dépasser 12% du total des dépenses de fonctionnement de la Réserve fédérale américaine en 2009 ajusté en fonction de l’inflation. En 2022, ce plafond s’élevait à 734 millions de dollars.
En l’espèce, les associations de prêteurs (Community Financial Services Assn. of America et Consumer Service Alliance of Texas), représentant l’industrie des prêts à court terme, ont contesté cette modalité de financement, le jugeant contraire aux principes démocratiques et notamment au principe de séparation des pouvoirs.
Sur le plan juridique, les associations ont invoqué une violation de la Clause d’appropriation (Appropriations Clause (Article I, Section 9, Clause 7) qui dispose que les fonds publics ne peuvent être dépensés sans une loi spécifique du Congrès.
La Cour Suprême rejette cet argument et considère que le financement de l’Agence respecte la Clause d’Appropriation. Elle rappelle que si cette clause impose que toutes les dépenses fédérales soient autorisées par une loi, elle n’exige pas que le Congrès renouvelle chaque année ces autorisations. Elle souligne que le Congrès n'a jamais imposé que les crédits fédéraux soient votés annuellement, ni exigés qu’ils soient limités dans le temps. La Cour précise que, lorsqu’une limitation temporelle existe, sa durée varie considérablement. En effet, si la plupart des crédits sont votés annuellement, certains s’étendent sur plusieurs années, notamment ceux destinés à l’équipement militaire. Enfin, elle rappelle que les crédits dits permanents s’inscrivent dans une longue tradition américaine puisque, dès 1792, le Premier Congrès américain a instauré un financement illimité pour le service des douanes et la Poste reposant sur un système de redevances.
Par ailleurs, la Cour Suprême explique que le Congrès n’exige pas que les crédits soient alloués précisément. Il est en effet courant que les crédits votés laissent au pouvoir exécutif une marge de manœuvre quant à leur affectation. Par exemple, pendant la guerre de Sécession, le Congrès a autorisé l'affectation de 76,5 millions de dollars « en fonction des besoins de l'armée », c’est-à-dire sans détailler la répartition des crédits (Act of Feb. 25, 1862, ch. 32, 12 Stat. 344–345).
Cette décision conforte l’indépendance de l’Agence de protection du consommateur dans le secteur financier lui évitant de négocier son budget chaque année
Juin 2025