Dans la décision Starbucks Corp. v. McKinney du 13 juin 2024, la Cour Suprême américaine a précisé les critères permettant d’octroyer les injonctions préliminaires prévues à la section 10(j) de la loi sur les relations du travail (National Labor Relations Act). Cette disposition autorise notamment les tribunaux fédéraux à prendre des mesures, avant qu’une décision ne soit rendue sur le fond, afin de préserver les droits des employés pendant les procédures administratives menées par l’Autorité nationale des relations de travail américaine (National Labor Relations Board ou NLRB). Dans la décision de 13 juin 2024, la Cour suprême a expliqué que l’octroi des injonctions préliminaires devait respecter les standards traditionnels d’équité plutôt qu’un standard simplifié tel que celui de la "cause raisonnable", utilisé par certains tribunaux inférieurs.
En l’espèce, plusieurs employés de Starbucks, après avoir annoncé leur intention de se syndiquer, avaient invité une équipe de télévision locale à visiter leur magasin après les heures de travail. Considérant que ces actions violaient la politique interne de la société, Starbucks a licencié plusieurs employés. Suite à ces licenciements, l’Autorité nationale des relations de travail américaine a déposé une plainte administrative, alléguant que la société Starbucks s'était livrée à des pratiques déloyales de travail. En vertu de la Section 10(j) de la loi sur les relations du travail, l’Autorité a sollicité une injonction visant à réintégrer les employés licenciés pendant la durée de la procédure administrative Le tribunal saisi avait accordé cette injonction en appliquant un test en deux parties, consistant d’une part à vérifier l’existence d’une cause raisonnable et d’autre part, à vérifier si l’injonction était "juste et appropriée".
La Cour suprême, dans une opinion rédigée par le juge Thomas, a rejeté cette approche. Elle a rappelé que les demandes d’injonction doivent être examinées selon les quatre critères traditionnels établis dans la décision Winter v. Natural Resources Defense Council (2008). Ces critères imposent au demandeur de démontrer : (1) une probabilité de succès sur le fond ; (2) l’existence d’un préjudice irréparable en l’absence de l’injonction ; (3) que l’équilibre des équités penche en sa faveur ; et (4) que l’octroi de l’injonction est dans l’intérêt public. La Cour Suprême précise que ces quatre critères reflètent une pratique judiciaire datant de plusieurs siècles. Elle a également indiqué que la Section 10(j) de la loi sur les relations du travail, en autorisant des mesures "justes et appropriées", ne dispensait pas les tribunaux de respecter ces critères. Elle estime en effet que si cette expression confère aux juges une marge de manœuvre dans l’appréciation des mesures équitables, elle ne permet pas de contourner les principes fondamentaux de la common law. Par ailleurs, la Cour considère que le critère de la cause raisonnable utilisé par le juge limitait les garanties procédurales et affaiblissent les principes fondamentaux d’équité.
Cette décision, en imposant une charge de la preuve plus lourde à l’Autorité nationale des relations de travail américaine, limitera nécessairement son rôle et son efficacité. En parallèle, la décision offre une meilleure protection aux employeurs en rendant plus difficile l’obtention de mesures conservatoires.
Mars 2025