Un juin dernier, dans l'arrêt Connelly, la Cour suprême des Etats-Unis a précisé la méthode d’évaluation des actions d’une société détenues par un de cujus, en particulier en ce qui concerne le traitement des produits d’assurance-vie.
En l’espèce, Michael et Thomas Connelly, deux frères et uniques actionnaires de la société Crown C Supply, avaient convenu qu’au décès de l’un d’eux, le survivant aurait l'option d'acquérir les actions du défunt. Si cette option n’était pas exercée, la société serait alors tenue de les acquérir. A cette fin, celle-ci avait souscrit une police d’assurance-vie pour un montant de 3,5 millions de dollars sur chacun des frères. Au décès de Michael Connelly, son frère a renoncé à son option d’achat, ce qui a déclenché l’obligation pour la société Crown d’acquérir les actions. Les héritiers du défunt évaluèrent les actions à 3 millions de dollars. Cependant lors de d’un contrôle, l’administration fiscale américaine (Internal Revenue Service (IRS)) a contesté cette évaluation. Elle considérait en effet que les produits de l’assurance-vie utilisés pour racheter les actions devaient être inclus dans la valeur de la société. Selon l’administration fiscale, la valeur des actions détenu par le défunt au moment de son décès devait être réévaluée à 5,3 millions de dollars.
La question qui se posait était donc de savoir si les produits d’assurance-vie devaient être inclus dans la valeur de la société. Pour répondre à cette question, la Cour Suprême américaine s’est notamment référée à l’article 2033 Code des impôts américains (26 U.S.C. §2033), selon lequel l’évaluation de la succession doit inclure la valeur de tous les biens que détenait le défunt au moment de son décès. Plus précisément, selon l’article 20.2031-1(b) du même code (26 U.S.C. §20.2031-1(b)), cette évaluation doit refléter la valeur marchande de chaque bien au moment décès.
La Cour suprême a rejeté l’argument des héritiers qui s’appuyait notamment sur la décision Estate of Blount v. Commissioner, (428 F.3d 1338 (11th Cir. 2005). Dans cette affaire, des juges fédéraux avaient décidé que les produits d’assurance-vie destinés au rachat des actions ne devaient pas être inclus dans la valeur de la société car ils étaient absorbés par une obligation de rachat équivalente. Cette approche reposait sur le fait que, dans cette affaire, les produits d’assurance-vie étaient contractuellement dédiés au rachat des actions et ne pouvaient donc pas être considérés comme des actifs généraux de la société, ce qui réduisait directement sa valeur au moment du décès. Cependant, dans l’affaire Connelly, les faits étaient différents. En effet, bien que les produits de l’assurance-vie devaient servir au rachat, ils demeuraient un actif disponible pour l’entreprise au moment du décès. La Cour suprême a donc estimé qu’un acheteur hypothétique tiendrait compte de ces fonds comme faisant partie de la valeur nette de l’entreprise avant tout rachat, rejetant ainsi l’analogie avec la décision Blount.
Pour confirmer la position de l’administration fiscale, la Cour suprême se fonde notamment sur la décision Commissioner v. Estate of Bright, (658 F.2d 999 (5th Cir. 1981)) qui a jugé que la valeur marchande d'une entreprise doit inclure tous ses actifs disponibles, y compris les produits d'assurance-vie. Elle conclut que pour évaluer la valeur des actions au moment du décès, tous les actifs disponibles devaient être pris en compte, indépendamment des obligations contractuelles de rachat qui pourraient les affecter par la suite.
Mai 2025