Dans l'arrêt Moore, la Cour Suprême américaine a jugé que l’impôt exceptionnel de rapatriement (Mandatory Repatriation Tax) était conforme à la Constitution.
En l’espèce, en 2006, les demandeurs, Charles et Kathleen Moore, avaient investi 40.000 dollars dans la société KisanKraft, une société indienne contrôlée par des Américains et spécialisée dans la vente de matériel agricole. Jusqu’en 2017, la société ne leur ayant versé aucun dividende, les époux Moore n’étaient pas imposé aux Etats-Unis pour cet investissement.
En 2017, le Congrès américain a voté une loi (Tax Cuts and Jobs Act) imposant rétroactivement les revenus non distribués des sociétés étrangères contrôlées par des Américains. Avant cette loi, bien que les sociétés étrangères contrôlées par des Américains étaient considérées comme des entités transparentes fiscalement, seuls les revenus passifs étaient imposés aux États-Unis. Suite au vote de cette nouvelle loi, les époux Moore ont dû s’acquitter de 14.729 dollars pour leur part des revenus accumulés par la société KisanKraft entre 2006 et 2017. Après s’être acquittés de cette somme, les époux ont saisi la justice, estimant que l’impôt exceptionnel de rapatriement violait la Constitution américaine, et plus précisément, le 16e Amendement.
La question posée à la Cour Suprême était de savoir si l’impôt exceptionnel de rapatriement constituait un impôt sur la propriété, qui doit être réparti proportionnellement entre les États, ou s’il s’agissait d’un impôt sur le revenu, exempt de cette répartition en vertu du 16e Amendement de la Constitution américaine.
Dans une décision rédigée par le Juge Kavanaugh, la Cour Suprême a considéré que l’impôt exceptionnel de rapatriement était un impôt sur le revenu, et plus spécifiquement sur les revenus des sociétés étrangères. Les juges se sont notamment appuyés sur la décision Burk-Waggoner Oil Assn. v. Hopkins (1925) dans laquelle la Cour avait jugé que le Congrès américain pouvait imposer les revenus non distribués d'une entité en les attribuant à ses associés. La Cour Suprême a également cité les décisions Heiner v. Mellon (1938) et Helvering v. National Grocery Co. (1938) dans lesquelles elle considérait que le Congrès américain pouvait choisir de taxer soit la société, soit les actionnaires, sur les revenus non distribués. Les juges ont également expliqué que ce type de taxation des actionnaires sur des revenus non distribués, comme cela se fait depuis longtemps avec les partenariats et les S corporations, est largement reconnu et conforme aux pratiques fiscales américaines.
La décision a été prise avec une majorité de 7 juges. Le juge Thomas, rejoint par le juge Gorsuch, a exprimé son désaccord, estimant que l’impôt exceptionnel de rapatriement ne devrait pas être qualifié d’impôt sur le revenu car, en l’espèce, les actionnaires n’ont reçu aucun revenu.
Cette décision aura des implications importantes pour les contribuables américains détenant des parts dans des sociétés étrangères, car elle va permettre au gouvernement fédéral d’imposer des revenus qui ne leur ont pas été directement distribués.
Il est possible de noter que certaines voix avaient demandé la récusation du Juge Alito, qui avait co-signé des articles du Wall Street Journal avec l’avocat des demandeurs. Il a toutefois refusé de se retirer et a signé avec la majorité.
Septembre 2025